The notion of network is at the heart of current methodological concerns, both in historiography and other areas of the social sciences and humanities. It nourishes studies on cultural life in the 18th century, an area where epistolary exchange materializes the principles of belonging to the "Republic of Letters" and reveals the ramifications of European cosmopolitanism. In this respect, the correspondence of Jean Henry Samuel Formey, perpetual secretary of the Berlin Academy from 1748 to 1797, constitutes a privileged source. But its dispersion from the 1940s onwards between four funds (two in Berlin and two in Krakow) and political circumstances (the Third Reich, the satellite system of Eastern Europe) practically prevented access from the Interwar period until the fall of the Berlin Wall. Today, once again open to research, it obliges the specialist to select the data: quantitatively, it is comparable to that of Leibnitz, reputed to be the most abundant in Germany. From this crossroads of the Enlightenment that constitutes the Berlin of Frederick II, the work has focused primarily on the French influence. However, Formey's Swiss correspondents not only form a significant sample (nearly 180 out of a total of 2,400 correspondents; about 2,000 letters, most of them unpublished, out of 17,100), but also an exceptional one, because it allows us to renew both our knowledge of the Enlightenment in Europe (the Swiss of the Academy, a counterweight to the French influence) and the intellectual life of their country (it took place partly abroad, through cosmopolitan networks of sociability). The project's ambition was to study, within this historical framework, based on this unpublished source and the Swiss correspondents, the functioning of a learned network as well as the exchanges of information, thoughts and services it generates. A first phase of processing and analysis aimed to reconstitute the human network of correspondents, to study its dispersion in the European area and its chronological evolution. It allows the virtual reconstruction of the "active" correspondence of Formey, largely disappeared. The second phase involved the transcription of the corpus, indispensable for achieving our final goal: to study not only the life and functioning of the Republic of Letters, but also the specific intellectual and social environment of the "scholars" who belong to it. It is a matter of following the ramifications of the exchange beyond the relationships with the crossroads character who constitutes the opportunity, to recognize the shared values and reciprocal services that feed the network over time. A scientific book will provide a synthesis of our work. The richness of the corpus and the multidisciplinary nature of the working group (literary history, philosophy, history) allow an approach that goes beyond the limits generally retained in such cases. They offer the possibility of an extensive panorama, from philosophical and religious discussion to preceptorship, including the book trade, law, science and fine arts. Our works are original because of the attention given to spaces that reconcile the intellectual life of the Switzerland of the Ancien Régime, especially Protestant, without distinction of linguistic nature, and that of Europe. By rediscovering a framework of thought partly common to the German countries, the United Provinces and the Protestant Switzerland, we are freeing ourselves from the only status traditionally recognized to our country, that of intermediary. The planned approach is in line with the in-depth studies carried out in the history of philosophy applied to establish the vulgate of the thought of an epoch through environments and institutions.
La notion de réseau se trouve au coeur des préoccupations méthodologiques actuelles, tant en historiographie qu'ailleurs dans les sciences humaines. Elle nourrit les travaux sur la vie culturelle au XVIIIe siècle, un domaine où l'échange épistolaire matérialise les principes d'appartenance à la "République des Lettres" et dévoile les ramifications du cosmopolitisme européen. A cet égard, la correspondance de Jean Henry Samuel Formey, secrétaire perpétuel de l'Académie de Berlin de 1748 à 1797, constitue une source privilégiée. Mais sa dispersion à partir des années 1940 entre quatre fonds (deux à Berlin et deux à Cracovie) et les circonstances politiques (Troisième Reich, satellisation de l'Europe de l'Est) en ont pratiquement interdit l'accès depuis l'Entre-Deux-Guerres jusqu'à la chute du mur de Berlin. Aujourd'hui, de nouveau ouverte à la recherche, elle oblige le spécialiste à la sélection des données: quantitativement, elle est comparable à celle de Leibnitz, réputée la plus abondante d'Allemagne. De ce carrefour des Lumières que constitue le Berlin de Frédéric II, les travaux se sont attachés prioritairement à l'influence française. Or, il est avéré que les correspondants suisses de Formey forment non seulement un échantillon significatif (près de 180 sur un ensemble de 2'400 correspondants; environ 2'000 lettres, la plupart inédites, sur 17'100), mais aussi exceptionnel, parce que propre à renouveler à la fois la connaissance des Lumières en Europe (les Suisses de l'Académie, contrepoids à l'influence française) et la vie intellectuelle de leur pays (elle s'est déroulée en partie à l'étranger, à travers des réseaux de sociabilité cosmopolites). Le projet avait pour ambition d'étudier, dans ce cadre historique, à partir de cette source inédite et en nous appuyant sur les correspondants suisses, le fonctionnement d'un réseau savant ainsi que les échanges d'informations, de pensées et de services qu'il génère. Une première phase de traitement et d'analyse a visé à reconstituer le réseau humain des correspondants, à étudier sa dispersion dans l'espace européen et son évolution chronologique. Elle permet la reconstitution virtuelle de la correspondance "active" de Formey, en grande partie disparue. La seconde impliquait la transcription du corpus, indispensable pour atteindre notre but final: étudier non seulement la vie et le fonctionnement de la République des Lettres, mais aussi l'environnement intellectuel et social spécifique aux "savants" qui y appartiennent. Il s'agit de suivre les ramifications de l'échange au-delà des rapports avec le personnage carrefour qui en constitue l'occasion, de reconnaître les valeurs partagées et les services réciproques qui alimentent le réseau dans la durée. Un ouvrage à caractère scientifique livrera la synthèse de nos travaux. La richesse du corpus et la pluridisciplinarité du groupe de travail (histoire littéraire, philosophie, histoire) autorisent une approche qui dépasse les bornes généralement retenues en pareil cas. Elles offrent la possibilité d'un panorama étendu, de la discussion philosophique et religieuse au préceptorat, en passant par le commerce du livre, le droit, les sciences et les beaux-arts. Nos travaux sont originaux par l'attention portée à des espaces qui concilient la vie intellectuelle de la Suisse d'Ancien Régime, spécialement protestante, sans distinction de nature linguistique, et celle de l'Europe. En retrouvant un cadre de pensée en partie commun aux Pays allemands, aux Provinces Unies et à la Suisse réformée, on s'affranchit du seul statut traditionnellement reconnu à notre pays, celui d'intermédiaire. L'approche envisagée va dans le sens des approfondissements opérés en histoire de la philosophie appliquée à établir la vulgate de la pensée d'une époque à travers des milieux et des institutions.